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Répétition RE-VUE et rencontre avec Guesch Patti et Olivier Balazuc

Hélène a assisté à une rencontre /répétition au Théâtre de l’Atelier.

Je vous laisse découvrir son compte-rendu.

Jeudi 5 mars 2015 à 16h au Théâtre de l’Atelier, Guesch Patti et son équipe répètent leur spectacle « Re-Vue », qu’ils joueront les lundis 9 et 16 mars à 20h30. Avec d’autres blogueurs, je suis invitée à assister à ce filage, suivi d’une rencontre avec la danseuse et l’un de ses comédiens.

re-vue

L’histoire: Avec Re-Vue, un spectacle danse/théâtre , GUESCH PATTI la pudique nous livre le plus touchant des autoportraits et signe sa première chorégraphie.
Une femme, trois hommes. Dans un espace universel, sensuel, chaud et humide. Un huis clos à quatre en quatre tableaux. Ils vont s’apprendre, s’interroger, se déchirer, s’apprivoiser pour explorer leurs visages, leurs regards portés sur eux-mêmes.

 

REPETITION :

Le théâtre est à nu, on voit les murs de fond de scène tels qu’ils sont « au naturel » : peinture défraîchie, radiateur… Aucun artifice ! Comme décor, quelques tables et chaises au fond et sur les côtés. L’espace central est vide, prêt à accueillir les comédiens/danseurs, qui à notre arrivée sont en plein échauffement, dans une ambiance visiblement très détendue. Guesch Patti, après nous avoir salués, nous lance en souriant : « Nous travaillons ! »

Le filage va commencer, ils partent en coulisse.

On entend une musique, puis un à un les personnages entrent en scène. Guesch Patti est entourée de trois hommes : deux danseurs-comédiens (Vincent Clavaguera et Jaime Flor) et un comédien-danseur (Olivier Balazuc).

Un spectacle étrange se déroule à présent sous nos yeux, un mélange subtil de théâtre et de danse contemporaine, une sorte de texte chorégraphié : pendant une heure, sur fond musical constant, Guesch Patti et les trois hommes vont en effet entremêler danse et texte.

L’essentiel de ce texte, « Autoportrait » d’Edouard Levé, est pris en charge par Olivier Balazuc, tandis que Guesch Patti et les deux autres hommes assurent la plupart des chorégraphies. Mais les danseurs parlent également souvent, et le comédien danse par moments, et quoiqu’il en soit, tous les mouvements, même la simple marche, sont effectués avec grâce. Le texte lui-même est une sorte de monologue, un autoportrait comme l’indique le titre et non une autobiographie, car il ne s’agit pas du déroulement chronologique de la vie d’Edouard Levé : ce sont plutôt des bribes de sa vie (un accident dont il a été victime enfant, sa première expérience sexuelle…) , ainsi que des pensées sur toutes sortes de sujets, parfois philosophiques et parfois pas du tout  (« J’oublie ce qui me déplaît » – première phrase du spectacle, « Je préfère le désir au plaisir », « Même si c’est un drôle de cadeau, je remercie mon père et ma mère de m’avoir donné la vie »,  « Je ne vois pas l’intérêt de conserver mes anciennes brosses à dents »). Une certaine ambiguïté découle du fait qu’il s’agit d’un homme, alors que le personnage principal physique, sur la scène, c’est bien sûr Guesch Patti. Et si Olivier Balazuc et les deux autres hommes, constamment sur scène avec elle, prennent souvent la parole, elle aussi parle et prononce des phrases écrites par cet homme qui se raconte.

Pour ce qui est de la danse, il faut être un peu initié sans doute pour comprendre tout ce qui se passe sous nos yeux et saisir tous les liens entre texte et chorégraphie, mais dans tous les cas on ne peut qu’admirer la virtuosité de Guesch Patti et de ses deux danseurs.

Et bien qu’il n’y ait pas d’histoire à proprement parler, on ne s’ennuie pas, on se laisse prendre au jeu de cet étrange « exercice de style » (c’est Guesch Patti qui décrira ainsi son spectacle lors de la rencontre qui suivra).

 

(c) DR
Guesh Patti (c) DR

 

RENCONTRE :

Dans le bar du théâtre de l’Atelier, Guesch Patti et Olivier Balazuc nous rejoignent après la répétition. Après avoir fait le tour de chacun d’entre nous pour tous nous saluer en personne, Guesch Patti nous raconte comment ce spectacle s’est créé.

Au départ, un déjeuner avec l’auteur du texte, Edouard Levé, qui voulait rencontrer la danseuse en vue de travailler avec elle. Lors de ce déjeuner, il lui dit qu’il trouverait intéressant qu’une femme reprenne ce texte d’homme. Mais quelques mois après, il se suicide. Le projet tombe à l’eau…

Beaucoup plus tard, Guesch Patti, qui avait très envie, inspirée par le travail de Pina Bausch, de monter un travail de recherche autour de la danse et du théâtre (« théâtre qui danse », « danse qui prend la parole »), ce qui est peu fait en France, s’est mise en quête de textes pouvant se prêter à l’exercice. Après avoir lu ou relu toutes sortes d’ouvrages, dont de grands classiques, elle est finalement revenue sur l’œuvre d’Edouard Levé, autoportrait caractérisé par des phrases très courtes, pas toujours reliées les unes aux autres selon un ordre logique. Oliver Balazuc souligne qu’il s’agit d’écriture automatique, d’une libre association d’idées. Il y a quelque chose de très abstrait dans le spectacle qui va se créer : « les gens qui regardent doivent se faire leur propre histoire », dit Guesch Patti. C’est « une toile d’araignée dont il faut tirer les fils ».

Une première version du spectacle a été présentée à la Ménagerie de Verre. A chaque changement de lieu, il faut s’adapter, explique la danseuse. Parfois l’espace est grand, parfois moins, ce qui change la façon de danser (puisque les mouvements doivent être appréhendés différemment selon la dimension de la scène), et du même coup la façon de jouer. « Le jeu qu’on y met n’est pas le même, la voix se porte différemment, comme si l’on redécouvrait le texte différemment par le lieu où on se trouve ». Le spectacle évolue donc d’un lieu à l’autre, et même si « le spectacle actuel est à peu près la version finie », il peut encore y avoir des changements, car il s’agit d’un art vivant, toujours en mouvement. « Les arts de la scène sont toujours contemporains ». « On est en recherche, on n’a pas fini ». « Il faut beaucoup travailler, beaucoup chercher, beaucoup s’amuser, et être très sérieux ». La pièce est bornée par la musique (« infinies variations mais à l’intérieur d’une musique qui cadre »).

Guesch Patti et Olivier Balazuc nous parlent de la difficulté que les artistes rencontrent en France lorsqu’ils veulent créer des spectacles. Idéalement, il faut avoir pendant plusieurs semaines, pour ne pas dire quelques mois (et pourquoi pas même un an !), un lieu unique pour travailler, presque 24h/24. Mais cela représente beaucoup d’argent. En Belgique, on trouve beaucoup plus facilement des financements qu’en France. Selon Olivier Balazuc, « en France, ce qui se perd, c’est le rapport à la création. On est trop dans une volonté de résultat, de diffusion ». « On arrive au bout d’un système ». En gros, aujourd’hui en France, on veut vendre un spectacle déjà prêt, on refuse de prendre le risque de produire quelque chose qui n’existe pas encore et qui pourrait être un ratage. Le souci de rentabilité prend le dessus, et ce qui n’est pas à coup sûr rentable n’est pas considéré comme potentiellement populaire : « on veut nous vendre que ce qui est populaire c’est un contenu. Or, c’est un contenant. Et le plus grand nombre a le droit à la plus haute qualité ». Il faudrait pouvoir admettre qu’un spectacle ne fera pas forcément l’audimat, mais qu’il peut potentiellement le faire, et prendre ainsi le risque de produire des créations qui sortent un peu des sentiers battus. Quand on essaie d’innover un peu, de faire un travail expérimental, on se heurte à beaucoup d’incompréhension et de refus. Or, c’est les expérimentations qui permettent de faire évoluer l’art, même lorsque certaines des expériences sont ratées. Ce n’est que par l’expérimentation que l’on peut créer, à terme, des formes nouvelles.

Pour conclure, Guesch Patti nous parle du titre du spectacle, « Re-vue ». Il s’agit du verbe « revoir » dans le sens « revisiter ». Avec un clin d’œil à la revue, même si le spectacle n’a rien à voir avec une revue. « Ça aurait pu s’appeler Mémoire en défense », dit la danseuse.

Rendez-vous les lundis 9 et 16 mars au théâtre de l’Atelier pour découvrir ce « spectacle d’émotions pures », comme le décrit Olivier Balazuc !

 

Hélène Lailheugue

 

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