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[Avis] Downsizing réalisé par Alexander Payne

Pour commencer l’année 2018, je vous propose de parler de Downsizing, le film d’ouverture du Festival de Venise. Le réalisateur américain Alexander Payne rétrécit Matt Damon pour le meilleur et pour le pire.

 

Synopsis

Pour lutter contre la surpopulation, des scientifiques mettent au point un processus permettant de réduire les humains à une taille d’environ 12 cm (le ‘downsizing’). Chacun réalise que réduire sa taille est surtout une formidable occasion d’augmenter de façon considérable son niveau de vie. Cette promesse d’un avenir meilleur décide Paul Safranek (Matt Damon) et sa femme (Kristen Wiig) à abandonner le stress de leur quotidien à Omaha (Nebraska), pour se lancer dans une aventure qui changera leur vie pour toujours.

 

Avis : Chéri(e), j’ai rétréci !

Avec Downsizing, Alexander Payne a vu les choses en grand. Il a co-écrit un scénario original à base de satire sociale et de science fiction… Downsizing est ambitieux dans sa mise en scène et son histoire : politique, écologie, inégalités sociales, réflexion sur l’Humanité,  tout y passe.

Payne aurait peut-être gagné à réduire les thèmes abordés et les tonalités de son film pour le rendre plus facilement classable … C’est peut-être un peu « petit » ce que j’écris :  pour une fois que je vois une œuvre originale, qui stimule la réflexion tout en divertissant, je n’ai pas envie de la rabaisser. Sachez que Mister Alexander Payne et son co- scénariste Jim Taylor, ne visent jamais le plus petit commun dénominateur. Attendez-vous à être surpris, notamment par la fin…

La mise en scène exploite bien entendu les différences d’échelle. On note un grand travail sur les décors et  les paysages ( le film a été partiellement tourné en Norvège).

Les acteurs, miniaturisés ou pas, sont au sommet de leur art : Matt Damon est très à l’aise dans le rôle d’un Américain moyen qui, en rétrécissant, s’ouvre à de nouvelles perspectives et grandit.  Christoph Waltz excelle et amuse en voisin européen bon vivant, cynique et fantaisiste…

Enfin il y a l’actrice d’origine vietnamienne Hong Chau  (Inherent Vice) , la révélation du film. Elle tient la dragée haute à ses partenaires superstars, et sa performance lui a déjà valu quelques nominations, notamment aux Golden Globes.
Downsizing est insolite, ironique, souvent réjouissant, avec des touches de tendresse mais également cynique … C’est un film déconcertant qui ne vous laissera pas indifférent.

DOWNSIZING

Date de sortie 10 janvier 2018 (2h 16min)
De Alexander Payne
Avec Matt Damon, Hong Chau, Kristen Wiig, Christoph Waltz…

 

Pour en savoir plus sur le film et son réalisateur, Alexander Payne. :

  • la transcription de la rencontre parisienne autour de Downsizing.( voir plus bas)
  • Vous pouvez aussi lire le compte-rendu de ma rencontre avec Mr Payne pour son précédent film, Nebraska.

 

PROJECTION SPÉCIALE, 20 NOVEMBRE – PARIS

CONVERSATION AVEC ALEXANDER PAYNE

[ source: Paramount France et Agence Cartel]

Animatrice conversation :

Mister Alexander Payne himself!

(Monsieur Alexandre Payne lui-même !)

Merci Alexander de vous joindre à nous.

Alexander Payne :

Avez-vous attendu longtemps ?

Animatrice conversation :

Oui, ça fait des heures qu’on attend… Non, une seule minute. Et nous sommes en train de réduire le temps de toute façon, n’est-ce pas ?

Animatrice conversation :

Commençons cette discussion. Downsizing c’est vraiment un projet qui vous a passionné pendant plus de 10 ans. Je voudrais savoir, qu’est-ce qui a déclenché chez vous cette solution tellement originale pour la surpopulation et le changement climatique ? Pourquoi pensez-vous que ce film est resté si longtemps dans votre esprit ?

Alexander Payne :

D’abord, laissez-moi vous parler des projets passionnels. Je suis fatigué des projets passionnels. Cela m’a pris 11 ans pour faire ce film, entre la conception et l’exécution. Et cela ne veut pas dire que… J’y ai tellement pensé et ça a pris tellement de temps et tellement d’efforts, mais ça ne veut pas vraiment dire que le résultat est meilleur qu’un film sur lequel j’aurais passé une année, que j’aurais fait rapidement. Les films sont vraiment drôles dans le sens où vous ne savez jamais à l’avance, par exemple. Combien d’étudiants en cinéma dans la salle ? Est-ce que vous êtes des étudiants en réalisation ? Vous êtes de la FEMIS n’est-ce pas ? Et qui d’autre est dans la salle ? Est-ce qu’il y a des blogueurs ? Voilà… C’est vous que j’ai déçu ! Et qui d’autre est dans le public ? Pour simplement savoir à qui je parle.

Animatrice conversation :

La FEMIS, des réalisateurs, des membres de l’AMPAS et des blogueurs.

Alexander Payne :

Il y a des acteurs ? Des blogueurs ?

Animatrice conversation :

Voilà, il y en a quelques-uns.

Alexander Payne :

D’accord.

Animatrice conversation :

Qu’est-ce qui a suscité cette idée ?

Alexander Payne :

Mon co-scénariste, Jim Taylor, a un frère complètement dingue qui s’appelle Doug, et Doug Taylor nous a dit « Vous savez, vous devriez faire un film sur des gens qui seraient comme ça, petits, et vous auriez de grandes maisons, pas tellement de dépenses alimentaires, et peut-être même qu’il y aurait un conflit entre les grands et les petits. Alexander, qu’est-ce que t’en penses ? » Je ne savais pas très bien quoi en penser, ça me semblait un peu bête. En 2006, j’étais en avion et subitement j’ai repensé à leur idée, et je me suis dit « qu’est-ce qu’il se passerait vraiment, comment est-ce qu’on pourrait encrer ça dans la réalité ? », et je me suis dit « peut-être que les scientifiques scandinaves en rêveraient », comme une panacée pour la surpopulation, c’est comme ça que l’idée est venue.

Animatrice conversation :

Avec Jim Taylor avez-vous travaillé avec des scientifiques ou avez-vous décidé d’être vos propres scientifiques ?

Alexander Payne :

Un peu les deux, plutôt la dernière solution. En fait on a surtout inventé, on a essayé de deviner un peu ce qu’il pouvait se passer. On a un peu discuté avec un biologiste quelles seraient vraiment les lois physiques si on devait être aussi petits et vivre petits comme ça. Plus tard, quand j’ai réalisé le film et quand je travaillais sur les effets visuels, avec le directeur des effets visuels il fallait que je parle un peu plus des lois physiques de cet état. Mais on ne s’est pas tellement concernés… Qui s’en fout de la réalité ?

Animatrice conversation :

Le ton du film, le vôtre… C’est vraiment un ton très grave, et en même temps un ton plein d’humour, et drôle. Quelle était vraiment la recherche d’un équilibre très subtil qui fait partie de votre ADN ?

Alexander Payne :

On m’a souvent posé la question « Comment vous faites l’équilibre entre l’humour et le drame ? » Il n’y a pas vraiment une manière de faire, je ne peux pas vraiment le décrire. C’est comme ça vient. Il n’y a pas de méthode.

Animatrice conversation :

Mais quand vous travaillez, ce processus de l’écriture, comment vous l’échangez entre vous ? Vous vous dites « tiens, on va aller dans ce sens ou dans cette direction » ?

Alexander Payne :

D’abord ça a été un processus très très long d’écriture. Le scénario de ce film… Il y a eu 6 ans entre Sideways et The descendants, et c’était un peu cette raison, parce que je voulais que ce film soit le film après Sideways, mais le scénario a pris tellement de temps, et après on a eu beaucoup de mal aussi à trouver des financements, c’était presque impossible d’en trouver. Vous pouvez me poser d’autres questions sur le scénario, vous pouvez me dire comment on a fait, et ceux parmi vous, les étudiants qui travaillent là-dessus, vous savez que c’est un travail très instinctif. On ne se dit pas « Tiens, comment va-t-on faire ça ? ». Avec la distance, je peux vous dire « on a fait de telle ou telle manière », mais vraiment c’est comme ça vient. La seule chose que je peux dire, et ce n’est pas une réponse complète à votre question : l’humour pour nous vient du fait de prendre un point de départ tout à fait absurde et on le traite de manière très sérieuse, et plus on est sérieux là-dessus, plus c’est drôle. Mais ce n’est pas une sorte d’humour qui vous fait éclater de rire, c’est un humour très intellectuel.

Animatrice conversation :

En fait, le film est assez dingue. Quels étaient les effets techniques et artistiques, vous avez parlé des effets visuels, auxquels vous avez fait face ? Parce que c’est la première fois pour vous que vous êtes face à des effets visuels.

Alexander Payne :

Oui, merci pour l’adjectif brillant, car vraiment je trouve ça brillant. C’est la première fois que je fais un film avec des effets visuels, c’est vraiment la première fois que j’utilise des effets visuels dans mon film. Ce que j’en ai appris, ce n’est pas que ce soit difficile, c’est simplement que ça prend énormément de temps, c’est très chronophage. En tant que réalisateur, vous avez besoin d’un directeur pour les effets visuels, et moi je lui ai dit « Explique-moi, apprends-moi à comprendre et fais-moi croire que je suis en train de faire un vrai film, c’est-à-dire sans effets visuels », parce que la première chose dont on souffre dans ces films, c’est la performance des acteurs et l’histoire, et ça je ne voulais pas du tout que ça arrive pour mon film. Le processus des effets visuels, il y a 750 effets visuels dans le film… un grand nombre a été fait autour de mon désir que les acteurs soient vraiment protégés, et je voulais que les effets soient tellement bien et qu’ils soient crédibles à en devenir banals. Je voulais que le film ait l’air d’avoir été fait en 1978. Une autre chose par rapport aux effets visuels : au contraire des films d’action, ici, le plan séquentiel est assez long, et le public a le temps de détecter les imperfections, donc ça c’était un défi de plus.

Animatrice conversation :

Je ne sais pas pour vous, mais une des images qui m’ont vraiment frappée, c’est cet espace où on rétrécissait les gens. Est-ce que vous avez donné des instructions à votre décorateur ?

Alexander Payne :

Oui, j’ai dit qu’il fallait que ça ressemble à un grand four à micro-ondes.

Animatrice conversation :

C’est votre idée d’un four à micro-ondes ? Vous êtes très très étonnant Monsieur Payne.

Alexander Payne :

Et là aussi, quand on les rase, on a construit tout ça. Ça c’est ma séquence favorite, merci de me poser la question, mais ce n’est pas une séquence d’effets visuels, c’est vraiment une séquence de décor, tout a été construit. Par la suite, quand on leur a arraché les dents, on a filmé ça dans une école de dentistes, à Toronto, au Canada.

Animatrice conversation :
Quand le film a été lancé au festival du film de Venise, on a dit que c’était une satire politique, un film de science-fiction, comment désigneriez-vous votre film ? Qu’avez-vous voulu explorer ?

Alexander Payne :

Pour moi c’est un film… Ça c’est le réalisateur prétentieux. Je ne fais pas de comédie ou de drame, je fais un film. C’est vrai, ce n’est pas à moi de mettre une étiquette sur mon film.

Je suis d’accord.

Alexander Payne :

Si vous me posez la question, pour moi tous mes films, même The Descendants qui est un peu déprimant, pour moi ce sont tous des comédies. Je suis à la recherche de l’humour et de l’absurde. D’autres personnes disent « Vous dites que c’est une comédie, mais ce n’est pas tellement drôle, c’est comme un drame un peu drôle », ça m’est égal. Ce que j’essaye de faire, c’est de diriger ce que je fais. J’aime les films qui sont charmants, et j’aime les films qui sont drôles. Souvent, je vois des films contemporains et on me dit « Qu’est-ce que vous en pensez ? C’est quoi pour vous ? », je dis « C’était bien, mais il n’y a pas de blagues. » Je n’aime pas les films où il n’y a pas d’humour.

Animatrice conversation :

Vos films en ont, c’est sûr. Au travers du prisme de ce film, qu’avez-vous voulu personnellement explorer ?

Alexander Payne :

Quelles autres questions avez-vous, dans vos papiers ?

Animatrice conversation :

Je ne vous dirai pas ! C’est le jeu.

Alexander Payne :

« Explorer », est-ce que je dois prendre ce mot littéralement ?

Animatrice conversation :

Non, vous le prenez comme vous voulez.

Alexander Payne :

Il ne s’agit pas « d’explorer ». Après Sideways, j’avais vraiment le besoin de faire quelque chose de plus ambitieux que ce que j’avais fait jusque-là, avec un peu de conscience politique, comme c’était le cas dans mes deux premiers films, Election (L’Arriviste en France) et Citizen Ruth. Donc c’était ça.

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