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[Avis] Divines de Houda Benyamina, Caméra d’or Cannes 2016

Mercredi 31 août 2016 sort sur nos écrans Divines de Houda Benyamina.

divines affiche

Le film a déjà beaucoup fait parler de lui : il a été présenté à la Quinzaine des réalisateurs à Cannes, et a en sus, reçu la prestigieuse Caméra d’or, récompensant le meilleur premier film du Festival. Surtout, sa réalisatrice Houda Benyamina,  a réveillé la cérémonie cannoise en balançant entre deux ‘putain » que n’auraient pas renié les Inconnus dans leur fameux sketch, un splendide « Un grand merci à Edouard Waintrop! T’as du clito Waintrop ! ». Quoiqu’on pense de cette attitude, cela s’appelle faire sensation.

Mais derrière le buzz,  ce Divines est -il aussi sensationnel ?

SYNOPSIS

« Dans un ghetto où se côtoient trafics et religion, Dounia a soif de pouvoir et de réussite. Soutenue par Maimouna, sa meilleure amie, elle décide de suivre les traces de Rebecca, une dealeuse respectée. Sa rencontre avec Djigui, un jeune danseur troublant de sensualité, va bouleverser son quotidien. »

AVIS

 

Oulaya Amamra est Dounia dans Divines

Divines, c’est le film français à voir en cette fin de mois ! Bouleversant, filmé de façon originale…

Mais c’est quoi ce film ? Un film de banlieue, vraiment ?

La réalisatrice travaille sur ce film depuis 10 ans, le déclic étant venue des émeutes de 2005.Attention on n’est ni dans un docufiction ni dans un film engagé. Elle ne donne pas de leçons, et on pourrait transposer la vie de Dounia dans un autre contexte, une autre époque, ce serait aussi poignant.

  Au début on se demande où va le film… on passe d’une mosquée à un sms, puis à des séquences tournées à l’aide de Snapchat…  On comprend finalement que le film est autant la chronique d’une amitié  » à la vie  à la mort » entre deux jeunes filles qu’une histoire de filles tombant dans la délinquance.
Oui, il se trouve que les deux héroïnes principales sont pauvres, qu’elles habitent en banlieue, que l’une a la peau noire et vient d’Afrique, et l’autre du Maghreb. 
Oui, il sera question de fric, de violence, de condition féminine, de deal … Et oui, l’une d’entre elles va à la mosquée et elle porte le voile de temps à autre (l’autre porte le voile pour des raisons pas très religieuses)… Mais Houda Benyamina nous surprend quand même. Laissez donc au placard l’étiquette  » film de banlieue » ( d’autant que ce terme ne veut rien dire en soi, car il y a banlieue et banlieue, et heureusement, tous les jeunes en ZEP ne deviennent pas dealer ou consommateur de stupéfiant… Dans Divines,  il sera aussi question d’amour, d’amitié, de danse, d’élévation spirituelle, de déchéance, voire même de recherche de spiritualité. Ce premier film parle aussi de féminité, de pression et violence sociale, de recherche d’identité et de libre arbitre.

Des personnages complexes, entre claque et caresse

divines scène de danse

Dounia est loin d’être unidimensionnelle… Elle n’est pas aimable ou sympathique de par certaines de ses actions, mais on comprend bien entendu sa rage de vivre, son envie de s’en sortir et d’aider sa mère :  elle n’a rien et elle veut tout.  On voit la jeune femme passer de menus larcins à un décrochage scolaire spectaculaire. Houda Benyamina filme une scène d’engueulade avec le professeur, tellement juste qu’on a l’impression que c’est du vécu ! (Je vous confirme que oui, les mots de Dounia, son raisonnement désespéré et désespérant, je les ai déjà entendus dans le passé.)

Puis Dounia entre dans une spirale infernale, croyant obtenir enfin la reconnaissance par l’argent, elle la « bâtarde » vivant dans un bidonville avec une mère incapable de prendre soin d’elle et une « tante » travestie.
Quitte à se battre contre tous, à se mettre en danger elle et ses proches… Mais Dounia est un être complexe, attirée par la beauté, une certaine recherche de spiritualité, sentimentale : elle est en colère, elle a peur, elle a mal, elle tombe amoureuse…  Etre tourmenté qui cherche sa place dans la société, boxant comme un homme, parlant comme un enfant parfois, mais capable de séduire comme une femme.

Ce qui ne change pas chez Dounia, c’est son amitié de longue date avec Maimouna. Un duo à la Laurel et Hardy, la petite mince nerveuse et la grande et opulente tranquille. Là encore, Le scénario voit juste, cette amitié féminine est dépeinte de manière tout à fait crédible. Maimounia est peut-être le personnage le plus sympathique et son sort nous affectera tous. Elle suit Dounia, essaie de la protéger.

Autre personnage positif, Djigui, le danseur qui cherche à s’élever dans la société, amis aussi spirituellement à travers son art. Il attire Dounia par sa beauté, sa pureté… Que des choses pas commerciales. Mais aussi parce qu’il lui a subtilisé son argent pour entamer le dialogue (monnayer son attention?). Argent versus sentiment.

Il faut souligner que les 4 acteurs principaux  sont tous impressionnants de naturel.
Oulaya Amamra ( la soeur de la réalisatrice), est une Dounia énergique ayant la rage, Deborah Lukumuena  joue Maimounia avec simplicité-et quelques notes d’humour bienvenues. Kevin Mischel assez intense dans son rôle de vendeur aspirant « Billy Elliott » et enfin il y a Jisca Kalvanda terrifiante et séduisante en Rebecca, sorte de Tony Montana au féminin ou de « Godmother ». Pour les avoir furtivement croisés, je peux vous assurer qu’il s’agit de rôles de composition, il n’y a que Kevin Mischel qui est un vrai danseur professionnel !
Houda Benyamina dépeint une génération désenchantée en quête de popularité, attirée par la facilité ou des modèles peu recommandables.

L’atterrissage n’en sera que plus dur. D’ailleurs Dounia, même si elle fonce tête baissée vers son destin, fait chaque soir qu’elle tombe, mais sans jamais s’écraser… Et qu’au final elle souhaite s’écraser au sol. Lorsqu’elle  confie ce rêve à Mamounia, on pense à Hubert dans « La Haine » et à son histoire d’homme qui chute … La fin nous montre également que la réalisatrice ne cautionne pas ce qui s’est passé. La violence, parfois insupportable, n’est pas glorifiée.

Un film est hyper-référencé … mais une mise en scène originale

« Divines » s’inscrit dans une famille  franco-américaine de cinéma.
Rebecca, c’est « Scarface » au féminin impressionnante dealeuse qui semble être totalement libre… Elle dresse les gens comme les chiens, « une claque, une caresse. »Divines », c’est un peu « La Haine » , « Bande de filles« , « Scarface » , « Gatsby Le Magnifique« , « Taxi Driver »… tout cela mélangé. Impossible de rester indifférent !

Surtout que la mise en scène, entre claque et caresse, est un cocktail détonant de modernité (les fameux snap, la caméra à l’épaule) et de classicisme. Même mélange pour la musique, Houda Benyamina ose mettre du Haendel à côté de musiques plus modernes. Elle s’autorise une scène de danse /combat/ parade amoureuse , ou encore un trip en voiture totalement imaginé par les deux copines.

divines

Au final, on comprend que « Divines« ait eu la caméra d’or au festival de Cannes 2016Je n’ai pas vu tous les films de la sélection, cependant, celui-ci reste quand même longtemps en mémoire.
On ressort de la séance assez K.O. mais conquis par certaines audaces. Il y a des scènes ou des développements qui ne m’ont pas plu. Cela doit être normal, car  « Divines » est une réalisation originale alternant claque et caresse pour la rétine.Un film sans concession et sortant du moule qui nous bouscule.

 DIVINES
Réalisé par Houda Benyamina
Écrit par Romain Compingt, Houda Benyamina et Malik Rumeau
Avec Oulaya Amamra, Deborah Lukumuena, Kevin Mischel, Jisca Kalvanda.
France – 1h45
Sortie le 31 août 2016
crédits photos : diaphana

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