Menu Fermer

[Critique] Michael Kohlhaas, avec Mads Mikkelsen

Présenté au festival de Cannes, « Michael Kohlhaas » est l’adaptation d’une nouvelle éponyme d’Heinrich von Kleist (datant de 1805). La seconde après « Michael Kohlhaas – Der Rebell », le film de Volker Schlöndorff sorti en 1969.

Ce film d’époque réalisé par Arnaud des Pallières n’a pas été récompensé à Cannes 2013. Parce que le film s’est trouvé qu’au milieu d’autres plus spectaculaires ? Parce que le réalisateur était quasi inconnu de la Croisette ? C’est bien dommage car c’est une oeuvre de grande qualité…

affiche Michael Kohlhaas

Synopsis

Au XVIème siècle dans les Cévennes, le marchand de chevaux Michael Kohlhaas mène une vie familiale prospère et heureuse. Victime de l’injustice d’un seigneur, cet homme pieux et intègre lève une armée et met le pays à feu et à sang pour rétablir son droit.

(In DP)

CRITIQUE

Michael Kohlhaas, c’est un cinéma de personnages et de paysages, au service des idées.

La mise en scène est superbe et épurée mais juste. Les paysages sont extrêmement bien filmés – cocorico, ce sont les terres du Vercors et des Cévennes qui ont été choisies. Les ciels en particulier sont superbes. Il semble que les cieux deviennent de plus en plus menaçants au fur et à mesure que Kohlhaas et ses hommes avancent dans la lutte.

Au milieu de ces paysages, il  y a donc un homme. Le personnage de Michael Kohlhaas est extrêmement intéressant parce qu’il est complexe. On a l’image d’un justicier, mais le réalisateur nous montre aussi son orgueil, son entêtement jusqu’à la folie.  Ce personnage nous parle car il est multiple, et qu’on le voit dans toutes les cultures. Ce maquignon pur et dur, c’est à la fois un cowboy, un samouraï, William Wallace et Rob Roy,  le « guerrier silencieux » de Nicholas Winding Refn.

On pourra aussi y voir des correspondances avec notre temps, notamment une réflexion sur la religion (Kohlhaas est protestant, ce qui a son importance dans le film comme dans le livre apparemment), les classes sociales, la révolte contre le système… Dans le dossier de presse, on se demande si Kohlhaas ne serait pas comparable à un terroriste. Michael Kohlhaas n’est pas un saint, c’est un homme qui a son idée de la justice et qui va se battre pour faire respecter cette idée. Quitte à devenir hors la loi. Quitte à créer une insurrection et à entraîner dans sa perte d’autres gens.Quitte à commettre des injustices et à tuer.

« Mad Mads » a tourné ce film avant La Chasse et on trouve déjà en lui cette colère sourde, et en même temps une sorte de fragilité. Mikkelsen est impressionnant tout en mâchoires serrées et en regards-mitraillettes. Il est réellement convaincant en homme brisé mais inflexible, et prouve encore une fois qu’il est plus qu’une (belle) gueule de cinéma. Le film repose en grande partie sur sa performance et le réalisateur le filme avec un mélange d’admiration et de distance.

Le reste du casting est composé de trognes et d’excellents acteurs – qui, parfois, ne font que des apparitions. Mais ces apparitions sont fortes… Citons l’excellent et trop rare Denis Lavant en théologien ressemblant à Luther. Sergi Lopez fait un « cameo » apportant un peu de légèreté au drame ambiant. Amira Casar interprète un rôle assez inattendu.  on retrouve David Bennent 34 ans après son rôle dans Le Tambour de Volker Schlöndorff. Swann Arlaud est assez exemplaire en salaud pathétique… Quant à la jeune Mélusine Mayance,  elle possède une fougue et une fureur dans le regard qui sied bien au personnage de la fille de Kohlaas. Une jeune fille à suivre, tout comme son aînée de quelques années, Roxane Durand (Le Ruban Blanc de Michael Haneke) qui interprète la princesse.

De part ses thèmes et son traitement, le film d’Arnaud de Pallières n’est pas spécialement aimable, d’où  les retours un peu froids de la part des festivaliers cannois qui ont enchaîné les films ? Alors oui , ces deux heures pourront sembler longues à certains – pas à moi, on est loin de Stalker. Et puis La Vie d’Adèle dure bien trois heures, n’est-ce pas ?

Les moments contemplatifs sont compensés par les éclats de violence, physique et verbale, qui traversent le film. Et par des dialogues forts. Ces moments de calme avant la tempête permettent aussi de se poser et d’entamer une réflexion… Faut-il se faire justice soi-même ?  Et d’abord, qu’est-ce qui est juste ? En regardant ce film, vous ferez donc un peu de philosophie.Voilà qui devrait inspirer plus d’un étudiant  pour  le bac  philo !
Je ne peux vous dire si le roman a été  bien adapté, je ne l’ai pas lu. Il faut aussi se faire à l’idée que le Danois Mads Mikkelsen et les Allemands Bruno Ganz et David Kross parlent en français,avec un accent plus ou moins prononcé.  Mikkelsen a appris son texte en phonétique, et il faut un petit  temps d’adaptation … Mais la transposition de la Saxe aux Cévennes fonctionne bien, tant cette histoire d’injustice et de justice est universelle.

Il est probable que certains spectateurs restent extérieurs au film et soient un peu déstabilisés. Ce côté sans concession – ou exercice de style ne plaira pas à tout le monde, mais c’est justement ce qui en fait un beau film à mes yeux. Arnaud des Pallières porte ce projet depuis des années et n’a pas choisi la facilité, ce qui est tout à son honneur et tranche avec les films tièdes.

En conclusion : Michael Kohlhaas peut sembler aride, mais c’est un très beau film sur la condition humaine, et  la complexité de l’Homme. Ce  film est un diamant pour qui prendra la patience de la regarder. S’il n’y a qu’une œuvre à voir le 15 août, c’est celle-là !

— RÉALISATEUR
Arnaud des Pallières
— CASTING
Mads Mikkelsen, David Bennent, Paul Bartel, Bruno Ganz, Mélusine Mayance, David Kross, Sergi Lopez, Amira Casar, Denis Lavant, Roxane Duran, Delphine Chuillot, Jacques Nolot
— PRODUCTION
Les Films d’Ici – Serge Lalou
— DURÉE
2h02
— ANNÉE DE PRODUCTION
2012
— SORTIE EN FRANCE
14 août 2013
— NATIONALITÉ
France, Allemagne
— SCÉNARIO
Arnaud des Pallières et Christelle Bertheva

 

Enhanced by Zemanta

4 Comments

Laisser un commentaire

Ce site utilise Akismet pour réduire les indésirables. En savoir plus sur comment les données de vos commentaires sont utilisées.