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[Critique] Le Passé – Asghar Farhadi avec Bérénice Béjo et Tahar Rahim

Présenté en Compétition au Festival de Cannes 2013, Le Passé est l’un des films les plus attendus de la Sélection, et les rumeurs de prix circulent déjà. À l’appui de ces dernières, les images de Nicole Kidman en larmes à la sortie de la projection. Un membre du jury visiblement très ému, un réalisateur – Asghar Farhadi – acclamé pour son dernier film (Une séparation), un duo d’acteurs déjà multi-récompensé… Le Passé accumule les bons points. Je l’ai vu hier à Paris, voici mes impressions.

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CRITIQUE

Asghar Farhadi allait-il reprendre les thèmes de  son dernier film Une séparation en transposant l’histoire en France et dans la langue de Molière ? On aurait pu le croire à la lecture du synopsis :

« Après quatre années de séparation, Ahmad arrive à Paris depuis Téhéran, à la demande de Marie, son épouse française, pour procéder aux formalités de leur divorce. Lors de son bref séjour, Ahmad découvre la relation conflictuelle que Marie entretient avec sa fille, Lucie. Les efforts d’Ahmad pour tenter d’améliorer cette relation lèveront le voile sur un secret du passé. »

Comme points communs entre les deux films, on retrouve donc : un divorce, un secret, des relations familiales tendues, des non-dits, des dilemmes, et des enfants témoins du délitement de la cellule familiale… Mais la comparaison s’arrête (heureusement ?) là : les histoires d’amour et les séparations ne se ressemblent pas.

Ce qui marque dans ce Passé, c’est la mise en scène et la direction d’acteurs. De ce point de vue, le Passé est plus que parfait ! La mise en scène d’Asghar Farhadi regorge de symboles. Exemple : lorsque Marie retrouve son ex à l’aéroport, ils se parlent à travers une vitre sans pouvoir s’entendre, mais semblent se comprendre tout de même. Tout est dit : la complicité d’un couple qui, même réuni, semble séparé. Marie et Ahmad ne communiquent plus qu’à distance, chacun dans son monde, séparés par un mur de pesants non-dits.

Les personnages se retrouvent dans une maison en travaux, métaphore de leur vies tourmentées. On pourrait pratiquement analyser chaque plan et y trouver une interprétation. Dans la scène finale (qui m’a évoqué la toupie d’Inception), Fahradi reprend les codes du mélo, mais est tout de même parvenu à me surprendre avec un ultime rebondissement ! Le dernier plan laisse chaque spectateur à sa libre interprétation.

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Passé composé et famille recomposée

Marie et son ex compagnon Ahmad avec qui elle veut divorcer, Marie et Samir, son nouveau compagnon avec qui elle souhaite se remarier, Samir et son épouse Céline dans le coma : les couples s’entrechoquent, entre engueulades et gestes d’affection. L’expressive Bérénice Béjo n’a jamais été aussi bonne actrice que dirigée par Asghar Fahradi. Par un seul regard, elle suggère mille choses, et ses crises de nerfs sont impressionnantes !

Le personnage d’Ahmad, dont on ne percera jamais vraiment le secret, est extrêmement intéressant et attachant. Que s’est-il passé avec Marie ? Pourquoi est-il retourné en Iran ? Quelle a été sa vie là-bas ces quatre dernières années ? On ne le saura pas. C’est un homme partagé entre deux cultures, entre ses sentiments pour son ex et son envie de s’effacer pour le bien des enfants.

Quant à Tahar Rahim, l’homme dur qui sent sa carapace se fissurer et le doute s’installer, il est formidable. Je ne vous en dis pas plus !

Comme dans Une Séparation, les enfants sont témoins et victimes des atermoiements de leur parents. L’aînée, Lucie (Pauline Berlet, une jeune actrice prometteuse) possède déjà sa part de culpabilité. Fouad (Elyed Aguis), le fils de Samir, est très touchant. Son jeu est terriblement juste quand il parle de sa mère plongée dans le coma, dans une scène pourtant très « casse-gueule » ! Asghar Farhadi sait diriger les acteurs, et en particulier les enfants, ce qui est d’autant plus remarquable que la barrière de la langue séparait acteurs et réalisateur, ce dernier ne parlant que farsi sur le plateau.

Avec Le Passé, Asghar Farhadi reste dans ses thématiques de prédilection et explore à nouveau la complexité des sentiments humains. Ce film parlera à tous, tant ce sont des thèmes universels. On ne peut que saluer l’habileté du réalisateur, en dépit de quelques longueurs (certains silences et plans fixes étant un peu lourds) … mais je pinaille ! Sans prévoir le futur, je crois que ce Passé a un bel avenir devant lui !

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Cannes Film Festival
Cannes Film Festival (Photo credit: Wikipedia)

 

 

4 Comments

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