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Cabourg 2012 : rencontre autour du court Les Pseudonymes

 

Le festival de Cabourg (voir la page dédiée aux festivals) s’est enrichi cette année d’une nouvelle section baptisée « Par Amour de la Musique » ; il s’agit d’une sélection de films musicaux, comme Rock Forever avec Tom Cruise.On peut aussi citer les Pseudonymes, un court-métrage français.

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De gauche à droite : Guillaume Zolnierowski, Nicolas Engel, Aurélien Bortoluzzi, Juliette Laurent et Benoît Basirico. Crédit photo : C.Fayau pour legenoudeclaire.com

Présentation du film Les Pseudonymes
de Nicolas Engel
France / 32’57 / 2011 /Couleur

Synopsis:
« Samuel travaille dans une librairie. Frustré que personne ne veuille éditer ses écrits, il les imprime sous un pseudonyme et les glisse dans les rayons de son magasin. »
Interprétation: Yann Destal, Judith Chemla, Juliette Laurent, Dominique Frot, César Sarachu

Réalisation et scénario : Nicolas Engel

Musique Your Happy End (Aurélien Bortoluzzi et Guillaume Zolnierowski), en collaboration avec Annika Grill et Raphaël Callandreau

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(c) chazproductions.fr

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Rencontre autour du court Les Pseudonymes

La projection du film a été suivie d’un débat fort intéressant autour de la musique. L’équipe du film et le groupe Your Happy End qui a composé la musique du film ont répondu aux questions de Benoit Basirico du site Cinézik. Compte-rendu.

Benoît Basirico : D’où vient ce désir pour la comédie musicale ? Est-ce que cela pré-existe toujours au film ? Comment se détermine le choix des musiciens ?

Nicolas Engel : L’envie de comédie musicale vient d’un goût pour ce genre. Ensuite, dès l’écriture du scénario, vient l’envie de mettre les dialogues en musique, et ceci, afin de styliser l’univers dans lequel se déroulent les intrigues. Je m’interroge sur quel type de musique je voudrais entendre sonner les mots. Comme j’ai fait plusieurs courts, l’idée était de s’essayer à un genre de musique un peu différent sur chaque court. J’avais déjà écrit une première version des Pseudonymes quand j’ai découvert la musique de Your Happy End. Et je les ai contactés pour qu’on se rencontre et qu’on voit la façon dont on pourrait collaborer sur ce scénario.

B.B. : Et il y a eu aussi l’envie de faire appel à un groupe du Havre, lieu de tournage du film ?

N.E. : Oui, le film se passe au Havre, il a été écrit pour la ville du Havre ! Du coup, cela me semblait pertinent de choisir un groupe originaire du Havre, vu qu’il y une culture rock assez développée sur la ville. Cela s’est fait par intermèdes… Je suis venu écouter tous les groupes havrais et je me suis arrêté sur Your Happy End.

B.B. : Quand Your Happy End est intervenu pour la musique, est-ce que le texte était intégralement écrit ? Ou alors il y a eu des aller – retours entre musique et texte ?

N.E : Il y avait une première version du scénario écrite dans mes souvenirs mais le texte a été réécrit de nombreuses fois derrière évidemment. La base de notre travail, ce n’était pas du tout de mettre les textes en musique, mais de chercher l’univers musical du film, de trouver un certain nombre de thèmes qui correspondent à une personne ou une ambiance pour le film. Les mots sont arrivés bien plus tard.

B.B. : Your Happy End : En quoi est-ce un travail spécifique ? En quoi cela rejoint ce que vous faites, vous ?

Aurélien Bortoluzzi : C’est la première fois qu’on était contactés pour faire la musique d’un film. On était super heureux de savoir qu’on pouvait plaire à un réalisateur. C’est une influence pour nous, le cinéma ! C’était très nouveau, et chouette de voir que notre musique pouvait donner sens à un film.

Guillaume Zolnierowski  : Comme l’a dit Aurélien, c’est la première fois qu’on répondait à une demande d’illustration. Effectivement ce n’est pas le même travail quand on compose pour la scène. Comme nous ne sommes que deux sur scène, il faut toujours qu’on réfléchisse sur ce qui va être programmé. On ne peut pas faire ce que l’on veut finalement. Alors que pour le film, c’était ultra libre parce que c’est enregistré ; donc on pouvait faire quarante piste de chants, de voix, de guitares… Il y avait une liberté totale ; On a vraiment fait ce qu’on voulait à « mille pour cent ». Même si,bien sûr, il y a le scénario, et qu’on a essayé de trouver ensemble la partition qui corresponde à l’univers du film. On a travaillé deux ans en amont du tournage, on ne savait pas du tout à quoi cela allait ressembler. L’image change tout…

B.B.: C’est vrai que pour une comédie musicale la musique doit être composée en amont, pour les interprètes sur le tournage. Mais il y a aussi un travail de création d’atmosphère, avec des sons…Est-ce qu’il y a une musique qui a été faite après le montage ?

G.Z: Oui, en amont on avait fait des thèmes, notamment un par personnage. Des ambiances plus ou moins tristes, avec piano et guitares, très classiques, et avec un tempo donné, pour que les acteurs puissent poser leur chant ou en tout cas les paroles sur une première trame.
C’est après, quand on a vu les scènes montées une à une qu’on a fait ce travail , grâce à Internet : Nicolas était à Paris, nous, au Havre. Tous les jours on recevait des images, on renvoyait des idées de sons, on les reprenait dans la journée, ça évoluait… On a fait ces aller- retours entre images et sons pendant trois semaines, à fond, tous les jours.
Une fois qu’on a les images, on savait vraiment comment mettre un glacis là-dessus, un vernis. Et c’est ce travail d’ambiance qui a été fait post prod… Par ex, il y a un moment où on voit un bateau passer, on s’est dit qu’on pourrait faire un truc ici !

B.B: On l’impression d’entendre un bruit de bateau, alors que c’est une note ?

G.Z.: Oui, c’est un synthé ! C’est vraiment un synthé …

B.B.: La singularité des films de Nicolas, c’est aussi l’association entre chanteurs professionnels et non professionnels. Dans La copie de Coralie, il y a Jeanne Cherhal qui chantait avec Serge Riaboukine. Et ici, il y a Yann Destal membre d’un groupe et chanteur solo, et Juliette Laurent, qui est comédienne avant tout, même si on peut penser qu’elle est chanteuse, après tous ces films avec Nicolas. Qu’est-ce que cette association produit cinématographiquement ? Et qu’est-ce que cela implique pour la comédienne ?

N.E : Effectivement, je me soucie assez peu que les comédiens sachent chanter. Ce qui m’intéresse, c’est leur rapport à la musique. Ça m’intéresse s’ils n’ont pas un rapport facile à la musique. En l’occurrence, Dominique Frot joue au piano dans le film, c’est une très bonne pianiste, qui n’a pas forcément l’habitude de chanter.Elle a un truc rugueux dans son rapport au piano et dans sa manière de se mettre à chanter : on sent que ce n’est pas facile.
Et, en même temps , pour le rôle principal, il y a Yann Destal qui est chanteur. J’avais envie d’avoir une voix très douce pour ce rôle, c’est sa voix qui va revenir le plus souvent, même s’il ne chante pas tant que cela.
Un casting , c’est un assemblage, un peu comme en cuisine, on prend plusieurs éléments et cela forme un tout. Je ne pourrai pas expliquer pourquoi j’ai fait ce choix ! Dans certaines comédies classiques, les chansons sont enregistrées à l’avance et les comédiens chantent en playback.
Pour garder une sorte de fragilité par rapport au fait que mes comédiens ne savent pas chanter, je tenais à ce que les comédiens chantent en direct : ils avaient la musique en oreillette, et ils chantaient réellement  sur le plateau, en direct avec le piano…

Juliette Laurent : Ce que je pourrais dire sur le chant ?  Par ailleurs, je chante dans d’autres spectacles. Ce qui est vraiment très particulier, propre à Nicolas, et souvent au cinéma par rapport au théâtre, c’est qu’on est dépossédé de ce qu’on fait, c’est à dire qu’on a beaucoup moins de responsabilités face au chant. On ne sait pas ce qui sera monté, ce qui va être filmé. Nicolas n’attend pas de moi que je fasse quelque chose de maîtrisé. Il attend que ses mots soient dits à ce moment-là dans le film. Du coup, quand les gens parlent au début du film, il y a presque quelque chose de musical. Et quand Nicolas explique qu’il fait sa cuisine, c’est vraiment cela : il prend quelque chose de vous, vous ne savez même pas que vous êtes en train de lui donner.  Lui, il sait exactement ce qu’il veut,  il sait très bien quels ingrédients il a…

B.B. : Parfois il y a du chant  qui est la prolongation d’un dialogue. Est-ce que Nicolas Engel t’a amenée à chanter un dialogue que tu n’avais pas prévu de chanter ?

J.L.: Peut-être pas le chanter, mais qu’il y ait une rythmique, une mélodie particulière… On était bercés par la musique. On avait une oreillette même quand on était en dialogue ;  on avait  déjà la musique du dialogue.

N.E. : Comme  on avait travaillé la musique avant, on connaissait toutes les mélodies.Par exemple lorsque Lise et Samuel parlent du livre qu’elle a lu, on savait que la mélodie qui allait accompagner ce dialogue était sur un tempo précis ; et les acteurs avaient le tempo dans l’oreillette, pour que les dialogues se posent sur la musique.

B.B. : Guillaume et Aurélien, c’est votre  première B.O. Vous disiez tout à l’heure  que vous avez un rapport assez fort au cinéma. Où se situent vos influences ?

A.B. : C’est vaste, on n’a pas de style de film particulier. On peut être influencé par le cinéma de Hong Kong; il y a des bruits rigolos. Ou par le cinéma de séries B, ou par des compositeurs comme Danny Elfman. Guillaume sample des musique de films… On nous a souvent dit qu’on avait un univers assez filmique. Nous étions donc contents qu’on nous contacte pour faire le film. Cela a confirmé cette influence pour nous.

G.Z.: Depuis qu’on fait de la musique ensemble, on met des passages instrumentaux.On nous a en effet dit qu’il  y avait beaucoup d’images dans notre musique.C’est confirmé par cette collaboration. On espère une autre collaboration avec Nicolas – ou avec d’autres réalisateurs.

B.B. : Nicolas,  au fur et à mesure des films, tu t’éloignes de l’univers de Jacques Demy. Est-ce que Jacques Demy était vraiment au départ ? Et cet univers unique, peux-tu le rattacher  à un certain cinéma ?

Sur les autres films, il y avait beaucoup de références cinématographiques. Sur ce film-là ( NDLR: Les Pseudonymes), pas du tout, mais des références aux jeux vidéos.Les jeux vidéos des années 80, avec les personnages qui sont toujours de face ou de profil, jamais entre les deux ! Et du coup, je voulais de la musique électronique. Il y  a eu aussi un travail sur les couleurs inspiré par « Maniac Mansion »  – il  y avait des musiques incroyable dans ce jeu. Mais comme référence au cinéma dans ce film, je ne vois rien de majeur. Les films de la Nouvelle Vague ?  Peut-être – j’en ai tellement vu – mais ce n’est pas une référence directe.

Maniac Mansion
Maniac Mansion (crédit: Wikipedia)
Maniac Mansion (1987) introduced SCUMM, the en...
Maniac Mansion (1987) ( crédit photo : Wikipedia)